COLLOQUE INTERNATIONAL DE L’INNOVATION PEDAGOGIQUE AFRICAINE – CIPA

La crise économique qui a frappé l’Afrique au cours de la décennie 1980 a eu un impact considérable sur plusieurs secteurs dont l’éducation. Les écoles de formations ont été fermées, contribuant à l’exacerbation du manque d’enseignants dans tout le secteur éducatif. Avec le départ de certains enseignants à la retraite, la nécessité d’identifier des solutions s’est imposée. C’est ainsi que dans l’enseignement primaire au Cameroun, plus d’une décennie après la crise, quelques écoles de formation ont été réouvertes, avec des effectifs très réduits et sans engagement de l’état quant à leur intégration. Pour atténuer le déficit en enseignants, des recrutements des enseignants ont été engrangés. Certains enseignants formés, sont recrutés au même grade (IEG), reçoivent la même formation initiale mais, bénéficient de divers statuts en fonction de leurs conditions de recrutement: contractuel, contractualisé ou fonctionnaire (Djeumeni Tchamabe, 2015). D’autres non formés, notamment, certains maîtres de parents et les maîtres communautaires qui ont été recrutés respectivement par les Associations des parents d’élèves (APEE) et par les collectivités territoriales, ne peuvent bénéficier que des formations organisées lors des séminaires ou des journées pédagogiques. Ceux-ci n’appartiennent pas aux effectifs des personnels de la Fonction Publique, mais exercent pour le compte de l’APEE. En effet, du fait des tensions budgétaires ne favorisant pas le recrutement en masse, les APEE viennent en aide à l’Etat en recrutant comme maîtres de parents, les IEG et aussi ceux n’ayant jamais reçu une formation. En fonction des localités et des pays, ceux-ci sont titulaires du Baccalauréat, du Probatoire, du BEPC et même du CEPE ou CEP.
Le défi de la formation des enseignants de l’enseignement primaire est ainsi lié aux conditions de recrutement et de formation : diversité des profils et statuts qui en résultent (IEG1, IAEG, IET, ICEMP, IPEG, MP) pour exécuter la même fonction.
Par ailleurs, les crises sécuritaires et sanitaires ont permis de constater que l’enseignement primaire en Afrique Centrale est marqué par des approches de perfectionnement professionnel peu efficaces, qui en affectent la qualité. Au-delà, il semble remarquable, la difficile atteinte des objectifs du développement durable (ODD4) et le cadrage dans l’Education pour tous (EPT) envisagé par l’UNESCO.
Depuis le début de la pandémie à Covid-19, dans les efforts déployés par les systèmes éducatifs afin de trouver rapidement des solutions permettant d’allier les nécessités de confinement aux besoins de poursuivre l’éducation et la formation, les écarts entre les enseignants se sont décuplés. Ils se manifestent entre ceux qui ont réussi à s’arrimer aux exigences du numérique éducatif ou TICE grâce à leurs investissements personnels dans l’acquisition des outils de travail et l’accès à des formations, et ceux qui n’ont pas pu accomplir cet exploit. Ces derniers cas, impuissants, se trouvent atteints au niveau de leur sentiment d’efficacité personnelle (Bandura, 2003).
Dans ce contexte, de nouvelles voies sont donc nécessaires pour le développement de pratiques efficientes et inclusives de formation initiale et continue des enseignants.
L’innovation pédagogique semble étroitement liée à l’introduction de nouveaux outils et de nouvelles technologies éducatives. A cet effet, le Projet d’Adaptation, de Résilience et d’Innovation (PARI) pédagogique est initié afin de concevoir et mettre en place des contenus et un dispositif de gouvernance innovants pour former les formateurs en contexte bi- plurilingue en format hybride et selon une perspective inclusive et différenciée.
En fait, s’il est vrai que, lorsque le débat porte sur l’innovation, la didactique s’avère la première référence ; il s’agit du « quoi » de l’enseignement qui se réalise dans différents modèles pédagogiques. Il paraît difficile d’oublier le « comment », facteur indiquant le point de vue enseignant ou celui de l’apprenant, c’est-à-dire quels sont les outils nécessaires au processus d’enseignement-apprentissage. Ce qui implique pour l’enseignant une bonne orchestration de ces deux dimensions dans la salle de classe.
Ainsi, « l’orchestration fait référence à la manière dont un enseignant gère en temps réel les différents niveaux des activités dans un contexte caractérisé par plusieurs contraintes » (Dillenbourg, 2013, p.485). Ce dernier met l’accent sur la conception pédagogique. Pour lui, l’enseignant est soumis dans une salle de classe à des contraintes d’organisation qui font appel à des scénarios informatisés ou non, comme la gestion du travail en équipe, des exposés, des simulations, des jeux-questionnaires entre autres, etc.
L’orchestration dans une salle de classe, fait référence à un enseignant qui pourrait modifier ses notes de cours en fonction des réalités observées en classe (Dillenbourg et Jermann, 2010) pour l’adapter aux conditions réelles. L’adaptation à temps réel apparait comme un paramètre à considérer dans l’orchestration en éducation. Ces contraintes concernent le curriculum, l’évaluation, le matériel didactique disponible, le temps d’enseignement, et l’espace disponible dans la classe (Dillenbourg et Jermann, 2010).
L’enseignant, le chef d’orchestre selon Charlier (2006) fait l’orchestration des ressources qui consiste en l’organisation intentionnelle et systématique de l’enseignement compte tenu de l’utilisation des différentes ressources présentes dans l’environnement (Trouche, 2004). Gueudet et Trouche (2011) ajoutent qu’il est nécessaire de considérer une diversité de variables pouvant se présenter lors d’un projet d’enseignement : les variables didactiques, les variables d’artefacts et les variables d’agencement. Ces derniers considèrent aussi les scénarios de préparation d’un enseignement en faisant référence à la manière dont les ressources technologiques peuvent être combinées. Ils considèrent aussi les adaptations qui pourront permettre l’écriture d’un script pouvant soutenir les activités des élèves tout en remplissant les objectifs d’enseignement (Nongni, 2019).
La formation professionnelle des enseignants en Afrique connait donc des tensions diverses du fait de ces conditions de formation initiale et continue dans un contexte de crises sanitaire et sécuritaire à l’ère du numérique. Des questionnements nouveaux apparaissent comme :
- Comment former massivement à distance des professionnels ? Quels dispositifs robustes, résilients et inclusifs privilégier? Quelles modalités pour la formation pratique?
- Comment appuyer l’effort supplémentaire imposé aux systèmes éducatifs par ces nombreuses crises ? Comment les systèmes éducatifs pourront-ils aider à garantir un avenir meilleur à cette jeunesse confrontée aujourd’hui à un chômage de masse ? Comment penser le développement durable à l’École?
- Quelles politiques éducatives pour penser l’éducation des jeunes à l’École et hors de l’École (famille, médias, espaces culturels, sportifs, centres de loisirs, etc.) et une formation de qualité pour les enseignants ?
- Quelles politiques éducatives pour penser le prolongement de cette formation initiale, pour des jeunes qui quittent le système éducatif, mais aussi pour celle de tous les adultes ?
- Comment penser une véritable formation continue pour tous ?
- Quelles politiques éducatives pour penser une formation professionnelle de qualité pour les jeunes, adaptée aux besoins socio-économiques des différents pays et qui leur permettra de s’insérer chez eux dans la durée ?
- Comment les modalités de formation initiale et continue en environnement numérique d’apprentissage adaptées au contexte local contribuent-elles au renforcement de la résilience des enseignants à se maintenir en fonction ?
Le Colloque international de l’innovation pédagogique africaine (CIPA) qui se tiendra à Yaoundé (Cameroun) du 26 au 28 Octobre 2022 sur la thématique « Numérique et formation des enseignants en Afrique : enjeux, défis et perspectives », est une plateforme organisée par un consortium constitué du PARI pédagogique et de ses partenaires, en l’occurrence, l’École Supérieure des Techniques Avancées pour le Développement (ESTAD) et Expoland, qui rassemble les acteurs de l’éducation afin de réfléchir et d’apporter des réponses aux défis auxquels sont confrontés les systèmes éducatifs du continent africain. Dans ce cadre d’échange d’expériences de différents pays et continents, sont abordées, les nouvelles approches et pratiques liées à l’éducation, à l’orientation professionnelle, et les perspectives de l’éducation dans un contexte mondial marqué par l’internationalisation et la digitalisation de l’enseignement-apprentissage.
Le CIPA vise, à l’ère du numérique, en contexte de crises sanitaire et sécuritaire, à partager et mutualiser de bonnes pratiques pour permettre la prise en charge efficace des formations professionnelles initiales et continues des enseignants, aussi bien théoriques que pratiques.